Focus

Little Town

Publié le : 28/02/2020 08:52:21
Catégories : Focus



Le maire s'engagea sur la route pavée en bombant le torse. Un regard circulaire lui confirma que les ouvriers travaillaient sans relâche, chantant, clouant, sciant et martelant. Cette joyeuse cacophonie fit sourire le maire. Il entama sans plus tarder sa balade matinale en saluant les ouvriers comme les badauds. Ses pas le menèrent d'abord au marché, particulièrement animé avec le beau temps. Les habitants du village, mais aussi ceux du village voisin, venaient y trouver toutes sortes de poissons, très abondants dans la vallée. La présence du marché avait fait du village un lieu important pour le commerce, même si le maire ne pouvait s'empêcher de jalouser les nombreux champs et pâturages de ses voisins, qui leur assuraient la mainmise sur le blé.

Le maire s'arrêta ensuite devant le chantier imposant de l'église où il croisa l'homme du moment, son maître architecte, en charge non seulement de l'évolution du village mais aussi de la gestion des ressources nécessaires à cet effet.

- Mon bon maître architecte, lança le maire, guilleret. Comment avancent les travaux de notre magnifique village ?

- Bien, bien, répondit le maître architecte. Les fondations de l'église sont terminées. L'atelier de charpentier et l'entrepôt sont également prêts, ce qui va nous fortement nous aider pour la production de bois.

Le maire tapa des mains.

- Fort bien, fort bien, gloussa le maire. On dirait bien que notre village est destiné à être le plus grand et le plus important de la région !

Le maître architecte regarda le maire d'un air circonspect et secoua la tête.

- Que nenni, monsieur le maire, dit-il. Nous avons dramatiquement besoin de pierres pour continuer notre expansion, or les carrières sont déjà toutes occupées par les ouvriers du village voisin, qui en ont également fort besoin. On dit qu'ils se préparent à la construction d'un énorme château au cœur de leur village.

- Un... un château ? glapit le maire. Mais la présence d'un tel bâtiment... ce ne serait plus un village, mais une ville ! N'y a-t-il pas un autre moyen de se procurer rapidement de la pierre ?

- Il y a bien une carrière, répondit le maitre architecte en se grattant le menton, mais elle appartient aussi au maire voisin. Nous pourrions sûrement commercer avec eux, mais il nous en coûterait beaucoup d'argent.

Le maire devint tout rouge. Il fulminait.

- Si ce maire croit que son village misérable peut devenir le plus important de la vallée, il se trompe bien. Ah, il pense que son château va faire de lui la personne la plus importante ! Il rêve ! Maître architecte, vous aurez vos deniers. Oubliez l'église ! C'est une cathédrale qu'il nous faut !

- Mais, monsieur le maire, les fondations...

- Ai-je l'air de me soucier de la technique ? Trouvez de la pierre et construisez moi cette fichue cathédrale, même si ça doit vous prendre quarante ans !

Le maire s'en retourna, torse bombé, toujours rouge comme une tomate. Non loin derrière, le maître architecte soupira bruyamment et posa ses outils, perdu dans sa réflexion. Bois et bois pour échanger contre pierre et pièces ? Pierre et poisson ? Poisson et pièces pour acheter de la pierre ? Bois et …




Aujourd'hui, on parle d'un petit jeu de pose d'ouvriers sorti il y a quelques mois déjà, mais qui a fait du bruit avec sa nomination pour l'as d'or à Cannes, j'ai nommé, Little Town ! Imaginé par Shun et Aya Taguchi et illustré par Sabrina Miramon, le jeu est disponible chez Iello.

Little Town est donc un petit jeu de stratégie jouable de 2 à 4 joueurs, véritablement pensé comme une nouvelle porte d'entrée dans le petit monde du jeu de pose d'ouvriers. Accessible dans son gameplay mais loin d'être simpliste en terme de réflexion pure, on constate rapidement que les règles vont en ce sens tant elles sont rapides à assimiler, claires et didactiques. Les joueurs commencent avec cinq ouvriers à deux joueurs (moins à trois et quatre), trois pièces et la volonté de construire le plus beau village de la vallée (comprendre gratter le plus de points de victoires).

La partie se joue en quatre manches durant lesquelles les joueurs vont poser tour à tour un ouvrier jusqu'à ce qu'ils aient joué tous ceux à leur disposition. A chaque fin de tour, les joueurs vont devoir disposer d'assez de nourriture pour nourrir leurs ouvriers, sans quoi s'ensuivra la perte de précieux points de victoires pour chaque ouvrier non nourri (ça pique). Les ouvriers sont joués sur un plateau commun (réversible, pour un placement de ressources de départ variable selon les deux côtés du plateau), sur lequel sont illustrées des ressources de différents types : bois, pierre et poisson.

Chaque tour, le joueur a le choix entre deux actions avec son ouvrier. Il peut soit le poser sur le plateau et récolter ainsi toutes les ressources dans les huit cases autour de lui (en activant aussi d'éventuels bâtiments dans cette zone), ou construire un bâtiment parmi les treize proposés au départ du jeu en payant les ressources nécessaires, bâtiment qu'il peut ensuite placer sur n'importe quelle case libre du plateau. La pose d'un bâtiment fait gagner immédiatement des points de victoires, inscrits sur la tuile, et permet surtout de déclencher plus tard son effet sur la plateau via la pose d'ouvrier, avec le même fonctionnement que la récolte de ressources.

Et là, certains diront : « Mais si mon adversaire joue le seul bâtiment qui produit des pièces, ou de la nourriture, je suis fichu ? ». Mais non, pas de souci, le jeu y a pensé. D'abord, en plus des douze bâtiments (sur vingt-quatre en tout) choisis, draftés, ou mis au hasard au début de partie (selon l'envie des joueurs), il y a automatiquement cinq tuiles de champs, qui assurent la présence de nourriture et ne coûtent qu'un de bois à jouer. Ensuite, on a le droit d'activer un bâtiment adverse en posant son ouvrier dans sa zone, seulement il vous en coûtera une pièce par bâtiment adverse activé, argent qui ira directement dans l'escarcelle de votre concurrent. On a donc toujours accès à tous les bâtiment, mais il faut y aller précautionneusement pour ne pas donner trop d'argent à son adversaire (sachant qu'au décompte final, on gagne un point de victoire par lot de trois pièces d'argent).

Enfin, il existe une dernière possibilité de scorer des points avec des petits objectifs secrets distribués au début de la partie qui permettent généralement de gagner entre deux et trois points de victoire dès leur accomplissement. Certains se font presque tout seul, mais d'autres demandent plus de réflexion et qu'on s'en occupe spécifiquement.

Concernant la stratégie, on va donc essayer de se créer un petit moteur économique en associant des bâtiments qui se complètent, par exemple en en construisant un qui fait gagner des pièces pour ensuite l'associer à un autre qui permet de transformer les pièces en point de victoire. Seulement, il faut toujours penser (et surtout à deux joueurs), que l'adversaire peut très bien poser des ouvriers pour profiter de vos bâtiments, voire vous bloquer. S'il comprend que vous avez désespérément besoin de pierre pour aller au bout de votre stratégie, peut-être placera-il tout simplement un ouvrier dans le seul emplacement qui vous faisait gagner deux pierres d'un coup. Certains bâtiments comme la tour de garde ou le château encouragent même l'adversaire à jouer des choses autour pour vous empêcher de scorer trop de points. Et si vous avez collé tous vos bâtiments avec l'idée de pouvoir tous les activer avec deux/trois emplacements clés, là encore, attention, votre adversaire risque d'en profiter à votre place. Il faut donc se méfier des stratégies trop nettes et comme dans tout bon jeu de gestion, il ne faut pas non plus trop se disperser sans quoi vos combinaisons de bâtiments ne seront pas efficaces. Le tout en pensant bien à générer assez de nourriture par manche pour que vos ouvriers ne souffrent pas de la faim !




Au niveau du matériel et du contenu du jeu, il n'y a pas grand chose à redire. L'ambition de faire un « premier jeu » de pose d'ouvrier est étayée par des règles concises et ultra claires et par des graphismes qui vont dans le même sens. C'est joli et lisible, sur les illustrations comme sur les couleurs ou encore les symboles des effets des bâtiments, pour la plupart totalement compréhensibles sans même jeter un œil à l'aide de jeu (pratique toutefois). Le plateau réversible assure une très belle durée de vie pour cette petite boite de jeu, comme le fait qu'il y ait vingt-quatre bâtiments pour douze joués à chaque partie. La possibilité d'acheter à part des pièces en métal à part pour remplacer celles en carton est un petit luxe qui ajoute encore au cachet de Little Town.

Au final, on comprend en jouant pourquoi Little Town a été nominé à l'as d'or à Cannes. Si l'ambition de ce trophée est de récompenser les jeux qui permettent l'ouverture et la vulgarisation du jeu pour le plus grand nombre et la famille, on peut dire qu'il tombe bien dans la catégorie. Little town est un jeu rapide à comprendre, simple à jouer, servi par des visuels lisibles et efficaces, et qui pourtant dispose d'une véritable profondeur de jeu, en faisant un tremplin idéal vers des jeux du style un poil plus complexes. Un jeu à mettre absolument dans toutes les mains !

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1 commentaires

Bruno

28/02/2020 10:05:36

C'était mon favori pour l'as d'or :(

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